Suspect à vie

La récente libération d'un détenu ayant purgé sa peine mais contraint de porter un bracelet électronique m'a interpelé et je m'étonnais que Jules n'en ai pas parlé. En fait il avait traité de ce sujet au moment de la discussion au parlement du texte qui permet aujourd'hui cette situation absolument incroyable.

Car indépendamment de la nature du délit, il est choquant d'apprendre qu'une personne condamnée qui a fini de purger sa peine puisse se voir interdire indéfiniment de retrouver la liberté. Les parents d'enfants susceptibles de subir la proximité de cet individu déclaré comme potentiellement récidiviste, vont tout de suite s'écrier que c'est déjà pas mal pour lui qu'on le laisse sortir, qu'il ne devrait même pas pouvoir sortir...etc. Certe, je suis parent et je peux aisément comprendre la crainte que de tels individus peuvent susciter.

Cependant, cependant, sans être juriste, il me semblait acté que lorsqu'une personne avait purgée sa peine ou payé une amende (pour les petits délits), elle était quitte vis à vis de la société. Qu'une fois tout ceci terminé, la société, c'est à dire nous, devions nous attacher à redonner une place en son sein à celui qui avait fauté.

Hors ici, l'ex délinquant sexuel, qui a totalement purgé sa peine, se voit en plus de la difficulté de retrouver une place dans la société avec ses 12 ans de "vacances", définitivement empêcher de redevenir un individu normal, si tant est qu'il en ai la moindre chance. Un peu comme Jean Valjean poursuivi à vie par Javer dans les misérables. Suspect à vie.

Au delà de ce bracelet et de cet homme, c'est la dérive sécuritaire qui m'inquiète. On assiste en ce moment au délire sur le contrôle du regroupement familiale par des tests ADN, l'arbre qui cache la forêt du grillotage du droit à l'erreur, à l'oublie, à l'anonyma. Car en effet, sous couvert de délinquance sexuel, qu'elle sera l'étape d'après ?

  • La conservation de toutes les infractions, sans limitation de durée.
  • Le fichage génétique à la première infraction, quelqu'en soit la portée ("Bienvenue à Gataca").
  • Les autorisations de recoupement entre fichiers : de connexion, de paiement, de santé, professionnel, scolaire, d'infraction, positionnement géographique (grâce au téléphone ou GPS), de voyage, de programmes télévisés (télévision numérique), d'habitude de consommation (puce RFID sur certain produits).
  • Le tatouage électronique de tous les véhicule pour suivit par GPS ou radar (on ne pourra plus vous le voler).
  • La disparition par morceau du droit à la vie privée (il faut bien pourchasser ces dangereux terroristes, ma bonne dame.).
  • ...

Cette loi qui permet de restreindre la liberté d'un seul individu dans la pratique, est aussi la première griffe à la liberté de tous les autres.

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Commentaires

1. Le samedi 29 septembre 2007, 17:44 par brigitte

Je suis tout a fait d'accord avec toi , le pire c'est qu'au pays des droits de l'homme personne ne s'en offusque.c'est une drôle de sensation que ce silence ! que se passe t il ?

2. Le samedi 29 septembre 2007, 20:31 par Cedric Augustin

Il y a une overdose médiatique et surtout beaucoup plus grave, une uniformisation de l'information. Tous les médias sauf rare exception, ne s'approvisionnent en information qu' auprès de l'AFP. Canal unique, formaté. On ne donne aux citoyens que l'information qui est répond toujours aux même impératifs : rentable, polémique, événementiel.

Le grillotage des libertés est un processus lent, discret, effectué par petites touches, et comble du pire c'est invendable par un média.

Pas étonnant que personne n'en ait connaissance. En plus on explique méticuleusement que les limitations de liberté ne concernent que les autres (délinquants, terroristes, étrangers...). Qui va réagir à quelque chose qui "ne le concerne pas" ?

3. Le samedi 29 septembre 2007, 21:56 par AS

Je regrette comme vous ces grignotages constants de la liberté, radars... l'oeil de Cain vous surveille, internet .. quelles sont les surveillances cachées ... et toutes autres dérives.

Pour la surpeine des violeurs je suis plus réservée, le viol et ses dérives sont-ils des délits comme les autres, est-ce une faute ou des pulsions irrépressibles, incontrôlables.

Si oui ce qui me choque c'est plutôt de leur appliquer la même justice qu'aux petits malfrats. Un code pénal spécifique ?

Je suis très partagée, un violeur récidiviste, enfermé pendant des années dans une prison, comment va-t-il ressortir, je ne pense pas qu'avoir purgé sa peine aura changé quelque chose à sa nature profonde, c'est un malade, un pervers, un homme amoral ayant plaisir à faire mal ? Je ne sais que répondre.

4. Le dimanche 30 septembre 2007, 10:41 par Cedric Augustin

@AS : je suis content que tu soulèves ce point que je n'ai pas voulu développer dans le billet. De mon point de vue, une foi qu'une peine est purgée, c'est fini.
La question concernant les violeurs ou autres délinquants pathogènes, est plutôt de la pertinence de la peine initiale. Si on considère que cette homme est récidiviste potentiel, alors cela ne sert pas à grand chose de le garder indéfiniment en prison. Autant écourter la peine pour l'adapter à cette problématique spécifique, et la convertir en mesure de prévention permanente.
Mais là cela devient pointu et il faudrait avoir plus de compétences en droit.

5. Le dimanche 30 septembre 2007, 22:40 par AS

Je ne pense pas que cette question relève uniquement du droit, elle relève de la psychiatrie, peut être de la neuro ... tout ce que tu veux, de la morale et de l'humanité et à mon avis seulement à la fin du droit, pour définir si ce genre de persone relève du code pénal commun ou de textes et règles qui'il faudra trouver.

Je ne crois pas que nous pourrons faire longtemps l'economie de cette réflexion.

6. Le lundi 1 octobre 2007, 13:53 par FrédéricLN

Cedric #4 : effectivement je crois que tu soulèves plus là une question juridique et technique, au sens strict, qu'humaine (même si le droit et la technique sont humains).

Mon avis de simple citoyen : à ce que nous en disent les médias, la personne en cause est reconnue comme dangereuse par toutes les personnes ayant à en connaître, voire se revendique telle. Il serait donc judicieux que la société prenne à son égard une mesure de sûreté sur le très long terme, telle que le repérage permanent par un bracelet électronique.

Oui mais - et là, je n'ai pas les éléments permettant d'en juger :

* est-ce que la société s'est donné ce droit ? le jugement initial, ou les principes généraux du droit, le permettent-ils ?

* est-ce que ce repérage permanent peut être réalisé sans attenter à des droits que l'on reconnaîtrait à la personne condamnée ? Typiquement, cela veut dire que le bracelet doit pouvoir être invisible dans la vie courante. Il s'agit de permettre aux forces de l'ordre de contrôler ses déplacements ; non de la "marquer au fer rouge" et de faire s'éloigner d'elle tout autre être humain... Sinon, la réinsertion sociale est improbable et la récidive peut en être, hélas, favorisée.

7. Le lundi 1 octobre 2007, 22:01 par AS

Il y eut la lettre écarlate, le marquage des esclaves et il y a le bracelet électronique. Est-ce du même ordre ?

Raisonnement je dis : on ne doit pas, mais en regardant ma petite fille et en imaginant ce qui ne doit pas être, alors ... je n'ai plus de certitudes.

8. Le lundi 1 octobre 2007, 22:25 par Cedric Augustin

@AS : D'où l'importance de ne pas légiférer sur le registre de l'émotion. C'est en usant de ce registre que l'on peut grignoter petit à petit les libertés. Personne sinon n'accepterait de voir les libertés amputées ainsi. C'est à la limite de l'art, l'art de la manipulation :(

Et comme vous le soulignez toi et Frédéric, s'est-on donner les moyens pour contrôler les délinquants pathogènes ?

9. Le mercredi 3 octobre 2007, 07:25 par as

Un éditorial sur le sujet "les larmes et la loi" au sujet de Bertrand Cantat et Nadine Trintignant qui est exactement dans la ligne de notre sujet dans le journal "Elle" du 1er octobre.

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